Too many questions. No answers.
C'est la première semaine où j'ai ressenti un tel sentiment de craquage, de fatigue, de douleur. J'avais juste cette impression que le monde s'écroulait autour de moi, emportant avec lui tout mes espoirs, tout mes désirs. Alors que j'arrivais encore à retenir mes larmes il y a quelque jours, ces mêmes larmes ont coulé en cours. Alors que j'arrivais à contenir cette douleur pendant que j'étais avec lui, avec eux, j'ai été obligée à plusieurs reprise de m'isoler pour craquer en silence.
Je ne me reconnais plus, ni dans ma mentalité, ni dans mes actes. Je suis prise dans ce système et je m'y sens piégée. Je n'aurais jamais pu penser qu'une note pouvais avoir un tel effet sur moi. Parce que cette semaine, l'accumulation de la fatigue, du travail à pas d'heure, et surtout des échecs cumulés ont fait que je me suis écroulée dans mes doutes. Parce que j'ai cette impression de bosser deux fois plus que les autres et d'oser réussir 2 fois moins bien. Parce que lorsque vous passez 3 jours entiers à réviser pour un DS, et que vous vous plantez minablement alors que les autres réussissent et vous dépassent haut la main, ça vous blesse.
Que je suis loin de ma naïveté de l'année passée! On m'a dit que j'étais acceptée à Hoche et je me faisais de grandes illusions sur mon avenir. Tout était gagné, tout était facile. J'allais enfin pouvoir avoir ma revanche sur tout ce qui m'avait fait souffrir. J'allais enfin pouvoir construire ma vie, être heureuse, me libérer. Qu'est ce que j'ai remercié le ciel de m'avoir ouvert la porte à la fin de mes soucis! J'y croyais.
Et petit à petit tous mes espoirs s'étiolent et s'effacent, comme on gomme une erreur sur du papier. Mon travail ne paye plus, mon mental se brise, ma fatigue devient casi permanente. Je m'irrite contre les autres, même contre ceux que j'aime le plus. Tout me dérange. Je passe mon temps à m'engueuler avec ma soeur et ma mère, je n'ai même plus la force de répondre à ses je t'aime au téléphone. Hier il me parlait et mes joues étaient trempées de larmes, alors je lui ai raconté que rien n'allait plus, que je ne voulais plus bosser, que je n'en voyais plus l'intérêt.
Je me demande même pourquoi je lui ai raconté tout ça, parce que je crois bien que c'est en ce moment la personne qui est à des années lumières de pouvoir me comprendre. Lui a passé sa semaine à avoir des notes très bonnes, finissant 3e à un DS qu'il avait bossé 2h. Je me surprends à m'énerver contre lui et contre sa réussite. Mais c'est envers moi que je m'énerve le plus. A travers les autres je découvre toutes mes faiblesses.
Et puis ce drame. Pour nous tous, ce mur d'interrogations, de questions sans réponse.
Mardi, 17h, alors qu'on est tous penché sur un exercice de maths, une plainte effroyable brise le silence de notre bâtiment. Un garçon court dans le couloir en poussant ce même gémissement de douleur. Notre prof sort pour voir ce qui se passe. "Ça va?" Pas de réponse. Le garçon continue à pleurer en silence.
18h. Fin des cours. Quelque chose d'inquiétant est palpable dans l'air. Je croise des filles qui pleurent, des yeux embrumés, des regards vides.
Je croise ma soeur.
"Tu as compris?"
"Oui. Qui est mort?"
Dans la nuit du 28 au 29 janvier, un des garçons les plus aimés de notre prépa a choisi de se donner la mort. L'annonce de son suicide a été un immense choc rempli d'horreur. Personne ne comprend, personne n'a compri. Ni ses parents, ni sa famille, ni ses amis. Rempli de joie, de sourires. Les gens l'aimait.
Aussitôt les casiers se remplissent de lettres du proviseur, les profs nous font de long discours. A quoi bon? Il n'y a plus rien à faire, ni à dire. 3e de sa classe, ses raisons devaient être bien autres que la prépa. Parce que je suis la première à comprendre, à savoir, que les plus grandes douleurs sont invisibles. Ce garçon est mort d'avoir souffert, et il est parti sans que personne n'apprenne sa douleur, ne sache qu'il a pu être malheureux. Toute cette souffrance s'est envolée en fumée avec lui, il a eu mal inutilement, et sans doute les personnes responsables ne le sauront jamais. C'est dommage.
Ce drame nous hante tous, même ceux qui comme moi ne le connaissait pas. L'annonce de sa mort a donné lieu à des scènes qu'on ne peut pas oublier. Je me suis imaginée ses parents, ses frères et soeurs. La fille avec laquelle il était depuis 3 ans. Je me suis imaginée perdre celui que j'aime. Comment tout ces gens vont il pouvoir remonter la pente?
Juste parce que c'est sa chanson préférée. Juste parce qu'elle fait parti de nos moments inoubliables, de sa peau contre la mienne, alors qu'il me serrait contre lui en me la chantonnant dans l'oreille, ces samedis soirs où le temps nous échappait.
I've seen love, and I follow the speed in the starlight.